Souvenir de guerre : la pasteur défroquée

Publié le par Tane

Souvenir de guerre : la pasteur défroquée

(Tout est dans le titre ! Enfin non, parce que sinon vous n'auriez pas droit au pavé qui suit : )

 

Avant tout, il faut savoir qu'il y a une chose qui stresse les apprentis pasteurs plus que tout le reste : la célébration de la Cène.

Je saurais pas trop vous dire pourquoi : peut-être parce qu'on n'a pas nos textes sous la main (hein, parce que l'autel c'est pas un bureau donc tu poses pas tes papiers dessus ! et que tu ferais comment pour tenir ton texte alors que d'une main, tu lèves la coupe et de l'autre, l'assiette du pain ?! nous faudrait une troisième main, comme en techno) ; ou peut-être parce que bizarrement, les gens arrêtent de dormir à ce moment-là, et que ça nous perturbe de les voir les yeux ouverts, l'air d'être en demande d'un truc ; ou alors parce que même après 5 ans de théologie, même nous, on comprend pas trop ce qui est censé se passer à ce moment-là (parlons donc de transsubstantiation catholique ; de consubstantiation ; de présence réelle ou symbolique du Christ... selon les théologiens, c'est assez flou et on n'est pas tous d'accord, enfin je crois, ou alors j'ai raté un truc...).

Bref : pour un vicaire, y a rien qui file plus de trac que la Sainte Cène. On a eu une semaine de formation rien que pour ça, et sur 6 vicaires, y en a 3 qui ont fini leur exercice en pleurant et en allant se cacher dans leur chambre pour lécher leurs plaies, c'est vous dire. (Pour ceux qui se posent la question, j'ai pas pleuré, mais j'ai été la cause des pleurs d'un bon copain cette semaine-là).

 

Tout ça pour expliquer que quand on prépare une Sainte Cène, c'est pas la même ambiance que quand Jésus l'a fait avec ses copains (encore que... ça devait être assez tendu aussi, vu qu'il savait qu'il allait mourir et qu'il y avait un traître parmi eux...)

 

J'avais fait une ou deux Saintes Cènes à l'automne qui s’étaient bien passées. J'ai survécu à la session de formation. J’étais pas hyper stressée pour celle que je devais célébrer en janvier.

 

Sauf que, il vous faut aussi savoir, pour comprendre comment le malheur a pu arriver, qu'il n'y a pas que des problèmes théologiques qui perturbent le travail des vicaires. Par exemple (et au hasard) : une étudiante de théo enceinte pèse environ 83 kg et se dit " chouette, je rentre encore dans ma petite jupe marron à fleurs, c'est quand même cool les matières stretch !! ". 14 mois plus tard, retrouvons la même nana, mais jeune maman et vicaire qui ne pèse plus que 52kg et qui se dit " cool, cette petite jupe marron à fleurs me va encore, c'est vraiment cool les matières stretch ". Fatal error !! D’autant que, dans cette paroisse, les pasteurs ne portent pas de robe pastorale pour cacher la misère…

 

Le début du culte se passe bien. Je rappelle, pour les mécréants, que la Sainte Cène se passe au milieu du culte. Un culte en janvier, c'est en moyenne 10 personnes (les 2 pasteurs, l'épouse d'un pasteur, les 2 sacristains et l'organiste inclus), donc c'est plutôt détendu. Arrive le moment de la Sainte Cène. Détail qui tue concernant la jupe - qui décidément n'a pas que des avantages : elle n'a pas de poches, donc pas moyen de garder un mouchoir sur soi.

 

On se met tous en rond. Je fais le blabla habituel, jusque-là tout va bien. Je lève la coupe, avec sa petite serviette en papier qui sert à l'essuyer une fois que les gens ont bu dedans (un irrésistible mélange de rouge à lèvre, de poils de moustache et de germes de gastro : c'est le bouillon du bonheur et de la fraternité, miam - en plus, les pasteurs boivent en dernier, mais là n'est pas le sujet).

 

Je lève le pain. Je commence à distribuer. Je fais toujours très attention à bien regarder les gens dans les yeux quand je leur dis : " la communion au Christ ". Ça se passe bien. 1, 2, 3, 4 personnes... et puis y a comme une alarme rouge qui se met à clignoter dans ma tête : les gens ne me regardent plus dans les yeux, j'ai l'impression qu'ils regardent mon nez. Et là, j'ai une révélation, que dis-je, une épiphanie : y a un affreux mickey - en plus, sûrement un vert !!! - qui sort de mon nez (ô doux mois de janvier, et tes frimas si bien aimés !). Que faire ? je rappelle que je n'ai pas de mouchoir sur moi. Est-ce que j'interromps la communion pour demander un mouchoir, et ne pas me laver les mains après, et reprendre la distribution ? Point de vue hygiène et liturgie, c'est moyen : non, quand même, on stoppe pas une distri en plein milieu ! Est-ce que j'essaie de me moucher discrètement dans ma manche ou mieux dans la serviette qui sert à essuyer la coupe ? Rha l'hygiène et les convenances sociales !! Le temps de réfléchir, je continue à distribuer, je finis par me dire: " allez tant pis, je garde ma crotte de nez jusqu'à la fin, de toutes façons, ils n'y font peut-être pas attention..."

 

Et pour cause ! Voilà-t-y pas qu'en faisant un pas de côté pour passer au communiant suivant, je me rends compte que je sens comme un p’tit vent frais sur mon bassin. Minute : mon bassin qui est censé être bien couvert par ma jupe ?! J'ose à peine regarder. Et bien si. Ma jupe, est tombée très exactement au niveau de là où Adam et Eve ont imaginé une utilisation novatrice des feuilles de figuiers. Alors, on est janvier, j'ai un collant, un noir semi opaque... mais tout de même, quel dommage que... ma culotte soit rose (pour s’accorder avec les fleurs de la jupe, vous l'aurez compris) ! Ouf, c'était la dernière personne... Je ravale ma dignité, j'avale l'indignité du jus de raison amélioré en sécrétions fraternelles, je me replanque derrière mon pupitre, et là, à la vitesse de l'éclair je me mouche d'un revers de manche - finalement ! l'option la plus simple - tout en coinçant ma jupe dans le collant. Happy end !

 

Alors voilà : la communion, c'est un moment super important mais franchement, ce jour-là, j'étais pas dedans (je pense que vous l'aurez remarqué). Je vous laisse le choix de la morale de cette histoire :

 

Pasteur stressée trop maigrira, et au moment le plus inopportun sa jupe perdra.

 

ou :

 

Femme du clergé, pantalon devrait être ton allié !

 

ou :

 

Sournoise est la crotte de nez. Avant de célébrer toujours la traquer.

 

 

image :  https://pixabay.com/fr/images/search/jupe/?pagi=6

Publié dans Vie pastorale

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L
Ah et petite question en passant (question gratuite) : es-tu sure que tous les vicaires sont paniqués à l'idée de célébrer la SC ?
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T
ben ceux qui ont fait la formation avec oui plutôt ! pas toi ?
L
Pour la question finale, je choisis de ne pas choisir... Après tout, dans la Sainte Cène, il y a aussi la dimension "aimez vous les uns et les autres" ou apprenez à le faire. Bon, on n'est pas Jésus et on sait que ce sera compliqué.<br /> Pour le coup, tu auras été un moyen par lequel les paroissiens auront peut-être appris - s'ils ont saisi l'occasion - qu'il faut aimer son prochain même AVEC un mickey au nez et/ou un problème de vêtement. Et franchement, tout cela, ce n'est pas du luxe dans une société où l'apparence compte ;)
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